"Maître du dessin animé nippon, et inspiration majeure de Miyazaki et de Takahata, les grands de l’anime actuelle, Osamu Tezuka (1928 û 1989) a lui-même subi l’influence de l’incontournable Walt Disney. De leur côté, les studios Disney ont adapté (ou pompé) la série animée Le Roi Léo, de Tezuka, avec leur célèbre Roi Lion.
En 1963, Tezuka crée Astroboy, d’après un de ses propres mangas, une série de science-fiction qui ne laissera pas indifférent Stanley Kubrick lors de l’élaboration de 2001 : l’Odyssée de l’espace. Tout au long de sa carrière, Tezuka ne cessera, parallèlement à ses séries télé et longs métrages plus commerciaux, d’expérimenter avec des courts métrages de tous ordres, allant de l’abstraction au pastiche.
Toujours poétique, animé de préoccupations écologiques qui trouveront écho chez son successeur, Hayao Miyazaki, Tezuka réalise aussi bien des œuvres graciles et éthérees, avec des personnages filiformes dessinés au trait, comme La Sirène (1964), que des films frôlant l’art conceptuel, comme le réjouissant Le Film cassé (1985). Là, l’idée franchement amusante, c’est de fabriquer un western en dessin animé datant soi-disant de l’époque même de l’action (1885). "Mon but était de créer le plus vieux film du monde", déclare Tezuka. Le film, style ligne claire en noir et blanc, imite l’usure, les rayures et même, à plusieurs reprises, les cassures inhérentes à un tel incunable. Sans parler de la faculté ludique des personnages à se balader d’un photogramme à l’autre.
Quant à la Légende de la forêt (1987), le moyen métrage, c’est l’ultime réalisation, inachevée, de Tezuka. Une espèce de synthèse de son œuvre, mais aussi de l’histoire du dessin animé, dont il retrace l’évolution des styles et techniques au fur et à mesure de la progression du film. Illustré musicalement par la Symphonie n°4 de Tchaïkovski, cet épisode sylvestre n’eût pas déparé le Fantasia de Disney. Sur le plan narratif, c’est un hymne panthéisto-écolo stigmatisant la destruction de la forêt et les problèmes de ses habitants. Comme quoi, des tréfonds interstellaires aux profondeurs telluriques, rien n’a échappé au talent polymorphe de Tezuka."